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La créativité dans le champ de l'enseignement et de la médiation : quels  objets d'enseignement, quelles compétences,  quels dispositifs ?

COMPTE TENU DE LA SITUATION SANITAIRE, LE COLLOQUE SE DÉROULERA EN LIGNE.

18-19 mars 2021 Nice (France)

Appel à communications

L'enjeu de ce colloque est de poursuivre les travaux scientifiques notamment initiés à Lausanne, au sein du programme GCAF ( « Le geste créatif et l’activité formative ») du laboratoire ADEF (Université Aix-Marseille) et de la structure fédérative SFERE-Provence, spécifiquement centré sur la créativité dans le champ de l’éducation et de la formation. Il a pour ambition de prendre la mesure de l’apport de sa prise en compte dans les contextes éducatifs, scolaires et universitaires. Il pourrait permettre de mieux saisir comment la notion est révélatrice de nouveaux enjeux du XXIe siècle, comment sa sollicitation peut éventuellement traduire une vision renouvelée de l’école, et plus largement de l’enseignement ? Dans ce cadre, trois orientations peuvent être privilégiées.

La première relève d’un effort de compréhension de la notion dans le champ de l’éducation et de la formation : qu’est ce qui rend utile, spécifique son usage ?

Dans cette orientation, plusieurs pistes de travail sont envisageables : il pourrait tout d’abord s’agir de distinguer la notion de notions voisines, avec lesquelles elle est en tension, desquelles elle se distingue. Ainsi, qu’est-ce qui différencie la créativité de l’invention ? de la création ? de la production ? Dans quelle mesure les notions de créativité et d’improvisation sont-elles en lien ? En didactique de la littérature, par exemple, quelle différence est posée entre écriture d’invention et écriture créative ? (Petitjean, 2015 ; 2017 ; Biagioli, 2020).
Une autre piste d’étude possible pour mieux cerner la notion concerne le pôle sur lequel la créativité met l’accent : est-ce celui des enseignements et des pratiques professionnelles, est-ce celui de l’apprentissage et de l’activité de l’apprenant ? Rey et Feyfant (2012) constataient que la littérature permettait de placer sous le terme innovation les pratiques enseignantes et sous celui de la créativité, l’apprentissage des élèves. Dans ce second cas, c’est du côté des pratiques des jeunes – y compris celles qui sont issues de la sphère privée – qu’il s’agirait de mener l’étude. Mais, jusqu’où cette délimitation entre les deux notions peut-elle être tenue, dès lors que la créativité s’invite dans la formation des enseignants, par exemple ? Et quels liens peut-on dessiner entre la créativité des enseignants et celle des élèves ou des étudiants ?
Une autre orientation concerne les sujets impliqués : la créativité est-elle individuelle, collective, collaborative ? Ainsi, Craft (2005), Reuter et al. (2011) ont clairement montré que ce qui peut paraître innovant dans une classe pour un enseignant est pratiqué ailleurs dans d’autres classes sous des formes peu différentes. À quelle échelle est-on créatif ? Dans l’histoire d’une pratique personnelle ou dans l’histoire des pratiques disciplinaires ? Comment la créativité vient-elle s’inscrire dans la réflexion sur l’enseignement comme art de faire du quotidien, aux ajustements permanents, aux processus de recyclage et de renouvellement (Dias-Chiaruttini, 2015) ?

La seconde orientation scientifique concerne la relation que peuvent entretenir les disciplines scolaires avec la notion de créativité.

Il s’agirait d’analyser comment la notion de créativité s’inscrit dans les différents champs disciplinaires : certaines disciplines ou certains enseignements mobiliseraient-ils davantage la créativité des élèves que d’autres ? Désigne-t-on toujours la même forme de créativité ou celle-ci est-elle soumise à des variations disciplinaires et épistémologiques ?
Capron Puozzo en s’appuyant sur les réflexions de Craft (2005) soulève cette question et montre la souplesse de l’usage de la créativité dans pratiques d’enseignements disciplinaires :

Même si la créativité est souvent associée à la dimension artistique, différentes disciplines d’un curriculum peuvent concourir au développement de la créativité. Craft (2005) donne des exemples en informatique (élaboration d’une base de données de questions-réponses sur un sujet étudié par les élèves), en gymnastique (concevoir une danse ou un nouveau jeu de balle sur un terrain d’athlétisme), en musique (une composition musicale ou collective), en anglais (interpréter une histoire avec originalité) et en mathématiques (résolution d’un problème) (2013, p. 78-79).

L’enjeu serait alors de déterminer pour chaque discipline scolaire la façon dont la créativité peut être définie, évaluée et enseignée. Ainsi, pour reprendre l’exemple de la didactique du français, on pourrait s’interroger sur les écarts et les convergences entre les notions d’écriture d’invention et d’écriture créative : sont-elles uniquement des modalités d’enseignement de l’écriture qui témoigne de changements épistémologiques et politiques de l’enseignement du français ?
Visent-elles des compétences d’apprentissages différentes ? De même, l'approche transdisciplinaire et interdisciplinaire peut être interrogée : la créativité pourrait notamment être particulièrement sollicitée dans des activités interdisciplinaires comme celles que mobilisent des dispositifs “Sciences, Technologies, Ingénierie, Arts et Mathématiques” (STIAM) ou encore dans des stratégies de construction de séquence impliquant croisement des disciplines et multimodalité (Tortochot, Rezzi, Terrien, 2019).

Enfin, une troisième orientation vise à interroger la possibilité d’un enseignement de la créativité.

Pour Capron Puozzo (2013), une pédagogie de la créativité amènerait au développement de compétences créatives basées en particulier sur l’étayage et les émotions. La créativité est-elle une compétence, et dans ce cas, quels sont ses contenus spécifiques : qu’est-ce qui est enseigné, à enseigner, enseignable ? Comment intégrer l’évaluation dans ce questionnement ? Le versant empirique de la réflexion est sollicité : on étudiera les dispositifs didactiques conçus dans les classes qui visent le développement de la créativité des élèves, associée ou non à d’autres compétences. On cherchera à questionner les écarts entre une situation problème et une situation créative au sens d’une situation didactique susceptible de développer la créativité des apprenants, que ce soit dans certains enseignements spécifiques ou certains dispositifs didactiques (Schneuwly & Dolz, 2009 ; Aeby Daghé, 2015). L’imitation peut-elle être, dans certaines conditions, source de créativité ?
Certains contextes d’enseignement ou de médiation peuvent-ils particulièrement favoriser les dispositifs développant la créativité des élèves : ainsi, l’histoire des arts qui permet la rencontre des disciplines et des pratiques artistiques mobilise-t-elle des dispositifs créatifs ? Les actions de médiation, telles que le Musée Emportable, promeuvent-elles un sujet créatif dès lors que le cadre du festival impose que les performances réalisées soient reconnues par d’autres et évaluées sur le plan artistique et esthétique ? L’interdisciplinarité favorise-t-elle les dispositifs favorisant la créativité des élèves ?
Dans ce contexte, la place du numérique mérite d’être posée de façon singulière, pour identifier comment le recours au numérique mobilise, stimule la créativité que ce soit dans la formalisation de la pensée informatique (Romero, Lille & Patiño, 2017) ou dans l’écriture multimodale numérique, par exemple (Brunel, 2019). Pour autant, si dans certains travaux, la créativité ou l’innovation pédagogique sont associées aux nouvelles technologies, le rapport européen de Romina Cachia et al., paru en 2010, montre le potentiel des enseignants pour être créatifs avec ou sans les nouvelles technologies. Si la notion de créativité semble s’inscrire dans le contexte de pédagogies innovantes, qui font rupture avec les pratiques traditionnelles transmissives et aller souvent de pair avec les contextes numériques qui se développent également dans les situations d’enseignement et de médiations contemporaines, ces convergences ne sont-elles pas elles-mêmes à interroger ?
Bien sûr, toutes ces questions se posent autant pour la classe que pour la formation : elles sont autant de pistes que les sciences de l’éducation et de la formation et les didactiques des disciplines peuvent interroger ensemble pour donner une assise théorique plurielle à des notions, comme celle de créativité, actuellement très présentes dans les discours institutionnels ou professionnels et qui nécessitent d’être étayées scientifiquement pour mieux accompagner l’ensemble des acteurs, de l’école à l’université.

Problématique et axes de questionnement

La problématique centrale du colloque pourrait être formulée ainsi : La créativité dans le champ de l’enseignement et de la médiation : quels liens avec les disciplines, quels objets d’enseignement au sein de quels dispositifs ?

Cette problématique pourra se développer autour de trois axes complémentaires

1. Un axe théorique et épistémologique visera à mieux cerner la notion, ses assises et ses éventuelles variations en sciences de l’éducation et de la formation. L’on pourra, dans ce cadre, étudier l’emploi de la notion en lien avec les disciplines, ou encore la légitimité de sa prise en compte comme compétence. On pourra également réfléchir à ce que peut signifier, sur le plan théorique, le projet d’une “pédagogie de la créativité”. Dans le cadre spécifique des recherches en didactique, l’on pourra interroger la possibilité de prendre en compte la créativité comme objet d’enseignement (au sens de Schneuwly & Dolz, 2009).

2. Un axe empirique se donne pour objet d'étudier des situations d’enseignement/apprentissage ou des situations de médiations sollicitant la créativité des publics soit comme objectif principal soit comme levier ou adjuvant de l’enseignement d’autres compétences. Quelle est la place de la créativité dans ces dispositifs ? La créativité se spécifie-t-elle selon les disciplines ? Quel type d’approches interdisciplinaires peuvent soutenir la créativité ? Quels dispositifs spécifiques et quelles pratiques professionnelles semblent favoriser le développement de la créativité ? Quels malentendus liés aux dimensions invisibles du curriculum peuvent être produits par ces dispositifs et ces pratiques (Netter, 2018) ? Perçoit-on une prise en compte plus nette de cette préoccupation dans les curriculums prescrits, enseignés ou appris du premier degré ? du secondaire ? Dans le supérieur, la créativité apparaît-elle dans les maquettes, est-elle listée dans les référentiels ou est-elle mise en avant dans des dispositifs en marge des cursus ? L’enseignement supérieur prend-il charge cette orientation au sein des cursus de formation des enseignants ? Perçoit-on des écarts, dans les différents contextes d’apprentissage, entre les curriculums français et les cultures et formes scolaires issues d’autres pays francophones ou anglophones ? Les comparaisons internationales, sur ce plan, pourront enrichir l’appréhension des dispositifs.

3. Un axe spécifique portant sur les usages créatifs du numérique visant à analyser le type d’intégration et d’usages du numérique pouvant soutenir le développement d’une activité créative dans les différents contextes d’apprentissage. Plus directement inscrit dans le contexte de recherches sur les usages du numérique, cet axe privilégiera l’étude de dispositifs et d’activités intégrant des usages du numérique et développement de la créativité des apprenants. Quel type d’activités créatives peuvent être soutenues par des usages du numérique ? Quel type de dispositifs numériques peuvent soutenir les activités créatives selon le type d’activité et de situation d’apprentissage ? Il s’agit notamment d’étudier certaines expérimentations fondées sur les approches technocréatives, définies comme des dispositifs au sein desquels les apprenants renforcent leur pouvoir d’agir face au milieu numérique qui les entoure (Romero, Lille & Patino, 2017 ; Heiser, 2020).

Le colloque se propose donc d’interroger la notion en associant une approche théorique et épistémologique et une approche empirique et de privilégier le contexte scolaire pour mieux documenter l’apport et les configurations effectives de cette notion en sciences de l’éducation et de la formation. Les contributions pourront ainsi croiser plusieurs axes de questionnement et contribuer ainsi aux différentes perspectives envisagées.

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